Vue d’ensemble
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Il y a 2436 jours

Quand le successeur va au fond des choses avec son prédécesseur…

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Urs Wolfensberger est depuis 2008 Executive Director of Marketing and Sales à la REMP et membre de la direction. Il part en retraite fin juillet 2019 et transmet le flambeau à Mike Weber, un fin connaisseur du secteur en ligne et de la publicité.

Le futur directeur du département Marketing and Sales saisit l’occasion et pose à son prédécesseur, dans l’interview qui suit, de captivantes questions sur les étapes majeures de sa carrière professionnelle, les principales leçons qu’il a tirées ainsi que les perspectives qu’il entrevoit, à la fois pour notre profession et à titre personnel.

Cher Urs, voilà maintenant un peu plus de dix ans que tu es à la REMP, en tant que «Executive Director of Marketing and Sales». Quels sont les principaux changements et défis auxquels tu as dû te confronter par rapport à tes débuts?

Notre but était de transformer une sorte de «secrétariat général» en un institut de recherche sur les médias, solidement implanté. Cela impliquait une gestion et des processus de production très en pointe, de nouveaux produits, une nouvelle image et une infrastructure moderne. Et je crois, que tous ensemble, nous y sommes parvenus.

En tant que directeur de Publimedia SA (une ancienne filiale de Publicitas SA, qui a entretemps fait faillite car elle faisait partie du groupe PubliGroupe, n.d.l.r.), tu étais responsable du tous-médias, une approche qui est notoirement partagée par la REMP. Pour quelle raison cette démarche est-elle à ce point ambitieuse qu’elle n’a, à ce jour, toujours pas été réellement mise en place, par aucun des acteurs des médias?

La question centrale est la suivante: combien de centimètres carrés représentent 30 secondes?

Tu pourrais nous éclairer un peu plus?

Les médias électroniques sont commercialisés en unités de temps, les médias imprimés comme la presse et l’affichage extérieur en unités de surface, et pour d’autres encore, il s’agit de parvenir à distinguer entre contacts frauduleux, les fameux «ad frauds», et les contacts réels. Concernant l’évaluation quantitative de la performance média, on peut, au mieux, trouver des critères comparables qui servent de référence, comme le fait avec succès, au niveau stratégique et depuis plusieurs décennies, l’étude MA Strategy. Mais les médias ont aussi une facette qualitative et c’est sur ce point, au plus tard, que s’enflamment les guerres de conviction, pour ne pas dire «de religion».

Tu es considéré comme l’un des pionniers de la recherche sur l’internet (Urs a été directeur général de MMXI / Nielsen / NetRatings, n.d.l.r.) et tu as vécu les débuts de NET-Metrix SA. Entretemps, les médias en ligne ont pris le pas sur les médias classiques hors ligne et les distancent. Quelles opportunités vois-tu pour l’imprimé?

Les distancent-ils réellement? Pour moi, le «en ligne» a toujours été en premier lieu une technologie intermédiaire, comme le courant électrique ou la vapeur. Les médias en ligne les plus utilisés sont les plates-formes d’information. Bien sûr, un canal de diffusion en ligne ouvre de nouvelles possibilités, mais dans les années 90 déjà, nous disions: «Le contenu est roi». J’ajouterais aujourd’hui: «Sans oublier le contexte.»

Avec le SMDH (Swiss Media Data Hub, un projet conjoint Mediapulse-REMP, n.d.l.r.) on a tenté de combiner une nouvelle forme de recherche sur les supports publicitaires en ligne et une nouvelle forme de recherche sur les moyens publicitaires en ligne. Quelle est la leçon essentielle que tu as tirée de ce projet entretemps arrêté?

Un sorte d’Everest que personne au monde n’a jamais pu gravir. Mais la montagne est encore là et un jour, elle sera escaladée. La leçon que je tire est toujours la même: plusieurs choses n’ont pas fonctionné et il faudra s’y attaquer différemment, à l’avenir. Mais ce qui doit retenir l’intérêt, c’est ce qui a marché parce que c’est ce qui, un jour, te conduira, toi ou ton successeur, au sommet de cette montagne.

Comment vois-tu l’avenir des JICs (Joint Industry Committees, n.d.l.r.)? Sont-ils une relique issue d’un lointain passé ou l’unique garant de données de référence indépendantes, crédibles et acceptées?

Une référence est toujours liée à une convention. En l’absence de confiance, elle ne perdure pas. Les JICs, en tant qu’entités porteuses de conventions ont fait leurs preuves depuis des décennies, dans le monde entier. Même dans un monde disruptif comme le nôtre, je n’y vois aucune alternative sérieuse, démocratique et par là même, pérenne.

Quelle est la plus grosse et la plus importante étape que tu aies franchie avec ton équipe?

Il y a tant d’étapes importantes que nous avons franchies ensemble. J’avais autour de moi des gens tellement formidables et impliqués! Et cela ne vaut pas seulement pour les équipes Marketing and Sales et Communications, cela s’applique à l’ensemble des équipes de la REMP.

Quel événement hors du commun de ta longue carrière raconteras-tu encore à tes petits-enfants?

Ma fille n’a que 19 ans, alors j’ai encore un peu de temps devant moi, j’espère! En quarante années de carrière, il se passe pas mal de choses… À titre privé, ce qui m’a particulièrement marqué, c’est le projet de magazine «Diagonal». Sur le plan commercial, ça a été un flop de première! Mais lors d’une présentation devant environ 80 cadres, j’ai découvert une participante qui m’a beaucoup plu. C’est aujourd’hui la mère de ma fille.

La frénésie de la «nouvelle économie» aussi, dans les années 90, a été pour moi une période très particulière. Avec Real Media, nous préparions une introduction au Nasdaq, et nous étions fin prêts lorsque les marchés boursiers se sont effondrés.

En tant qu’enseignant, tu transmets ta profonde connaissance des médias dans plusieurs écoles supérieures (ex. SAWI, BVS Business School et KV Lucerne, n.d.l.r.). Outre les réseaux sociaux, quelles tendances identifies-tu dans l’usage que font des médias les jeunes d’aujourd’hui?

Sur le fond, il me semble que pas grand-chose n’a changé: le divertissement et les amis demeurent les éléments centraux. Bien sûr, la diffusion s’est élargie: le programme télé classique est plutôt «out», mais les séries en streaming sont quant à elles «in», jusqu’à la surconsommation. Pour la radio, l’époque n’est pas simple; tout le monde se balade avec sa phonothèque personnelle sur soi.

Deux choses me fascinent: comment la légende affirmant que les jeunes ne lisent plus peut-elle se maintenir? Il est parfaitement clair et démontrable que cela va à l’encontre des faits! Et pourquoi pensons-nous tous que le comportement des jeunes en matière de médias restera totalement inchangé avec l’âge? C’est là une vision bien trop court-termiste. Au fil des quarante-cinq dernières années, ma consommation de musique, par exemple, a radicalement diminué et changé. Je ne peux pratiquement plus me rappeler le dernier western que j’ai vu au cinéma. Par contre, je lis aujourd’hui encore les quotidiens et les quelques magazines que je lisais dans ma jeunesse.

Si tu devais ne me donner qu’un unique conseil pour que je poursuive avec succès l’immense tâche que tu as conduite, quel serait ce conseil?

Remets en question tes convictions, mais utilise-les comme boussole.

Au cours de ta carrière professionnelle, qui t’a marqué le plus et de qui as-tu appris le plus?

Tous mes supérieurs hiérarchiques ont été de véritables maîtres d’apprentissage qui m’ont beaucoup fait progresser… à une exception près.

Si tu pouvais tout recommencer à zéro, qu’est-ce que tu ferais autrement?

Pas grand-chose. Mais: le bon timing est encore plus important que je le pensais au début.

Et pour terminer, une question personnelle: que vas-tu faire, comme jeune retraité, pour ne pas taper sur les nerfs de ta femme?

Je continue à m’impliquer professionnellement avec plaisir et suis ouvert aux mandats que l’on voudra bien me proposer. Pour ma femme, cela ne devrait pas changer grand-chose: elle connaît une belle réussite en tant que cheffe d’entreprise et elle est plus jeune que moi. Je vais essayer de me retenir de tout réorganiser dans le ménage.

Cher Urs, merci beaucoup de ces réponses, comme toujours très pointues! C’est pour moi un honneur de pouvoir marcher dans tes traces et j’espère que nous aurons l’occasion de te revoir lors de l’un ou l’autre des événements organisés par la profession.

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Parcours

Urs Wolfensberger est depuis 2008 Executive Director of Marketing and Sales de la REMP. Au cours de sa carrière professionnelle, ce titulaire d’un diplôme fédéral de responsable de la communication a été directeur de Publimedia SA, Managing Director de Real Media Suisse, puis de l’institut de recherche sur l’internet MMXI / Nielsen / NetRatings. En dernier lieu, il a été, en tant que vice-directeur, l’assistant du directeur général de PubliPresse. Urs Wolfensberger enseigne dans diverses hautes écoles spécialisées suisses, notamment au SAWI et à l’École professionnelle commerciale de Lucerne.