«Personne ne sait actuellement à quoi ressemblera l’usage des médias dans la ‹nouvelle normalité»

Début 2021, Jella Hoffmann a succédé à Harald Amschler en tant que responsable du service de la recherche de la REMP. Dans cette interview, elle présente à notre responsable de la communication, Corinne Gurtner, les sujets qui l’occupent actuellement – outre les évolutions liées au Covid-19 –, les nouveautés auxquelles le marché des médias et de la publicité peut s’attendre cette année encore, le rôle que joueront à l’avenir les informations différenciées sur les groupes cibles et dans quelle mesure la capacité intermédia demeure essentielle pour la REMP.
Bonjour, Jella Hoffmann! Notre interview se déroule en extérieur, dans le respect des règles sanitaires, et heureusement par un beau temps printanier. Dans quelle mesure le Covid-19 influe-t-il sur le travail au quotidien, au sein du service de la recherche?
Cette situation de pandémie influe sur notre travail dans les domaines les plus divers: depuis la situation sur le lieu de travail jusqu’au résultat des études, en passant par leur réalisation.
La plupart d’entre nous sommes en télétravail, les échanges se font par visioconférence, messagerie ou courriel. Comme j’ai avec moi une équipe motivée et bien rodée, cela se déroule sans grand problème, mais le contact personnel entre nous et avec les clients nous manque.
Concernant la réalisation des études, nous profitons du fait, par rapport à certains collègues étrangers, que nous conduisons nos interviews par téléphone ou en ligne et celles-ci, contrairement aux interviews en présence, peuvent être réalisées aussi en période de pandémie. Après quelques sueurs froides au début, liées à la densité de personnes dans les centraux téléphoniques, nous avons rapidement réagi, aussi grâce aux efforts supplémentaires fournis par nos instituts partenaires en termes d’organisation et de technique, et sommes parvenus à une solution flexible répondant à la situation et permettant le télétravail pour une grande partie des sondeuses et sondeurs.
L’impact potentiel de la pandémie sur les résultats de nos études nous a également beaucoup préoccupés et notamment la question de savoir quels effets correspondent à des comportements de court terme, atypiques, et lesquels à des modifications durables des comportements.
Avons-nous déjà quelques précisions à ce sujet?
Dans ce contexte de pandémie, nous devons faire face au défi suivant, concernant les données utilisées à des fins de planification, c’est-à-dire de manière prospective: dans la mesure du possible, les effets exceptionnels de courte durée ne doivent pas apparaître, dans le même temps, les changements de moyen et long terme doivent néanmoins être intégrés le plus rapidement possible dans les résultats. C’est pourquoi, en accord avec les acteurs des médias et de la publicité, nous avons adopté la stratégie suivante concernant les données collectées sur la période corona: afin d’éviter au maximum les effets de court terme, les données issues du premier confinement, au printemps 2020, ont été exclues du calcul des valeurs média. Mais, afin de représenter en même temps le plus rapidement possible les tendances à moyen et long terme, toutes les données ultérieures sont utilisées telles quelles.
Mais pour être tout à fait honnête: un certain flou pourrait subsister encore pendant quelques mois, car personne ne sait actuellement à quoi ressemblera l’usage des médias dans la «nouvelle normalité», ni ce qui en a déjà commencé, ni à quel moment.
La REMP a fait paraître la semaine dernière ses publications de printemps. Quelle situation dépeignent-elles?
Côté MACH Basic, de manière similaire aux dernières années, la tendance pour les taux de pénétration de l’imprimé est à la stabilité ou à un léger recul. Concernant les titres que nous sommes habilités à faire figurer également dans l’étude intermédia Audience totale, il apparaît que les baisses de l’imprimé sont la plupart du temps compensées par le numérique, parfois même, plus que compensées.
La presque totalité des marques de médias que nous suivons a pu accroître son taux de pénétration combiné net par rapport à la publication de l’an dernier, parvenant ainsi, en combinant l’imprimé et le numérique, à toucher davantage de personnes que jamais. Il convient toutefois de ne pas perdre de vue que les taux de pénétration du numérique de NET-Metrix ont été en partie relevés lors du premier confinement 2020 durant lequel l’usage du numérique avait atteint un niveau relativement élevé.
NET-Metrix, dont les données étaient jusqu’à présent intégrées pour les offres en ligne, a cessé ses activités fin 2020, et la publication de l’étude intermédia Audience totale 2021-1 sera dans un premier temps la dernière de cette série. Est-ce que cela clôt le chapitre de la recherche intermédia pour la REMP?
Absolument pas! Il y aura une nouvelle recherche sur le numérique qui fera référence, elle est actuellement en cours de développement chez Mediapulse. Nous échangeons en permanence sur la manière dont ces données à venir pourraient être intégrées à notre propre recherche pour déboucher sur un nouveau chapitre «Audience totale».
Et précisément pour la planification stratégique, l’étude intermédia MA Strategy demeurera un élément essentiel de la gamme de la REMP: ces dernières années, nous sommes parvenus, en coopération avec d’autres acteurs du marché, à étendre constamment cette étude et nous poursuivrons dans cette voie.
Avec la mise en place des qualités des contacts et des titres et de l’étude psychographique MACH Values, deux nouveautés importantes font leur entrée dans le système de recherche MACH. Quels avantages ces deux nouveautés offrent-elles aux clients du marché des médias et de la publicité?
Les qualités des contacts et des titres fournissent à l’ensemble du marché des informations qualitatives sur les titres de presse. Elles peuvent par exemple, par-delà le taux de pénétration net, faire apparaître l’intensité ou la fréquence d’interaction des lectrices et lecteurs avec un titre. La pandémie et l’exclusion des données du trimestre de confinement qu’elle a entraînée, ont cependant mis à mal notre calendrier prévisionnel; pour cette raison, nous ne publierons à l’automne ces informations dans un premier temps que pour les groupes de titres et pas encore pour les titres pris individuellement.
Grâce à la nouvelle psychographie MACH Values, les sociétés de médias sont en mesure de profiler leurs titres au-delà des critères sociodémographiques et de montrer quels groupes cibles, représentant quelles valeurs, elles touchent particulièrement bien. En outre, comme l’étude établit un lien avec toutes les informations sur la consommation issues de MACH Consumer, les agences média et les annonceurs peuvent procéder à la même analyse pour certains groupes de clients ou certaines marques. En combinant ces informations, on peut voir en toute simplicité et rapidement les titres ayant les meilleures concordances de valeurs avec telle marque ou tel groupe cible.
Y a-t-il d’autres nouveautés du laboratoire de recherche dont il est possible de parler dès à présent?
Il y a précisément une semaine et à l’issue de longs travaux préliminaires et d’une série de tests, nous avons lancé la nouvelle méthodologie MACH. La nouveauté, c’est que les téléphones mobiles comme moyen de contact et outil pour remplir les questionnaires jouent un rôle nettement plus important que jusqu’à présent. En outre, le volumineux questionnaire de consommation est passé de la forme écrite à une forme entièrement numérique. Voilà les transformations qui ont eu lieu «sous le capot» et qui, pour cette raison, sont moins visibles que les nouveaux produits ou fonctionnalités, par exemple.
Cet été, suivront la seconde édition 2021 de MA Net ainsi que l’IGEM-digiMONITOR dans lequel, cette année, le Tessin fera sa première apparition.
Notre laboratoire a encore quelques autres innovations dans les tuyaux, mais elles en sont encore au stade du «bidouillage».
Parlons encore un peu de l’avenir: quelles sont les tendances qui vont occuper la profession et par là même, la recherche média sur les cinq prochaines années?
Comme je l’ai déjà indiqué, le Covid-19 et de potentiels changements à long terme seront un sujet de préoccupation pour les années à venir. À travers MACH Consumer dont les données sont recueillies en continu, nous observons, parallèlement à l’usage des médias, également les comportements de consommation: cela nous permet de fournir à la profession de précieuses données concernant la «nouvelle normalité».
Je pars en outre du principe que les publics des médias, de même que les groupes cibles de consommation, deviendront encore plus diversifiés. Que ce soit comme éditeur ou comme annonceur, seul réussiront ceux qui sauront comprendre précisément leur cible et ne se contenteront pas de l’atteindre, mais également de s’adresser à elle dans l’environnement adéquat et avec le bon message. Pour y parvenir, les informations sur les groupes cibles et la manière de les toucher doivent inclure un maximum de secteurs de consommation et de filières média.
Du point de vue méthode, nous nous orientons encore plus vers le numérique, que ce soit en matière de programmation et de traitement des données ou concernant la collecte des données proprement dite. En outre, la recherche média sera de plus en plus hybride, c’est-à-dire qu’elle combinera non seulement différentes méthodes d’enquête, mais également différentes sources de données.
Dans quels domaines les études de la REMP sont-elles d’ores et déjà parées pour l’avenir?
Avec le démarrage en avril de la nouvelle méthodologie, nous avons bien préparé le système MACH pour l’avenir en le dotant d’éléments mobiles et en ligne susceptibles d’extensions futures. En outre, la collecte en ligne permet également d’intégrer un élément de mesure dans l’enquête. Les passerelles vers les autres jeux de données comme la nouvelle référence en ligne sont ainsi déjà prêtes.
Les méthodologies de nos études sont conçues de manière hybride et associent les données issues des questionnaires à diverses sources externes de données, telles que les données de l’OFS, les statistiques des billets de cinéma vendus ou encore les données issues des audits de la REMP. Dans le cadre de coopérations, nous intégrons par ailleurs certaines données provenant d’autres organismes de recherche. Cela nous a permis d’acquérir déjà un important savoir-faire dans le domaine des procédures de la science des données, comme les modélisations et les fusions de données.
D’une manière générale, les études de la REMP, mais notamment MA Strategy, sont conçues de façon intermédia et permettent d’ores et déjà une planification média stratégique transcatégorielle. À ce titre, nous proposons actuellement déjà des milliers de critères pour les groupes cibles et concernant la consommation et beaucoup d’autres suivront.
En outre, je suis fière de notre utilitaire d’analyse et de planification NEXT>LEVEL. Il offre au marché un accès convivial à toutes les études de la REMP et, comme portail informatique ouvert, également à des études externes. Notre équipe de recherche va poursuivre son étroite collaboration avec nos spécialistes, internes et externes, pour que NEXT>LEVEL continue en permanence à évoluer.
En quoi la REMP peut-elle encore s’améliorer?
On n’arrive jamais au terme des évolutions méthodologiques et des améliorations. Un exemple: trouver chaque année plus de 15 000 personnes disposées à participer aux enquêtes demeurera à l’avenir un défi.
Nous interrogeons par ailleurs régulièrement tous les acteurs du marché et utilisateurs des données pour savoir s’ils souhaitent intégrer de nouvelles questions ou des groupes de consommation supplémentaires. Notre objectif reste d’en inclure un maximum dans nos études.
Je dois reconnaître que parfois, j’aimerais être plus rapide ou plus souple dans la mise en œuvre d’une nouvelle méthode, la concrétisation d’une idée ou l’intégration d’un nouveau titre ou d’une nouvelle catégorie de médias dans nos études. Mais dans le même temps, le cœur de métier de la REMP est précisément d’être fiable, de trouver un consensus sur le marché et d’agir dans la transparence. Et cela a pour corollaire: réaliser de nombreux tests, mettre en œuvre avec circonspection et s’accorder soigneusement avec tous les partenaires sur le marché.
Merci de ce passionnant coup d’œil dans la vie du laboratoire de recherche de la REMP.

Qui est-elle?
Jella Hoffmann a repris début 2021, en tant qu’Executive Director of Research and Development, l’ensemble des responsabilités au sein du service de la recherche de la REMP. Elle est membre de la direction de la REMP depuis août 2019. Chercheuse en médias et titulaire d’un doctorat, elle occupait dans l’entreprise, depuis septembre 2012, les fonctions de Director of Product Management and Ad-hoc Research et de directrice adjointe de la recherche. À ces titres, elle a largement influencé la recherche média et consommation telle qu’elle existe aujourd’hui au sein de la REMP et a mis en place le domaine de la recherche ad hoc.